Wiggins
Réminiscence
C’est en lisant Le Chien des Baskerville que j’ai été frappée par la foudre : c’était donc ça, le roman policier ?
- Pourquoi un homme marcherait-il sur la pointe des pieds en descendant cette allée ? - Quoi, alors ? - Il courait, Watson ! Il courait désespérément, il courait pour sauver sa vie… Il a couru jusqu’à en faire éclater son cœur et à tomber raide mort.
Ce sont des passages comme celui-là qui m’ont fait rêver d’imaginer un jour une histoire capable de procurer le même frisson au lecteur. Voilà pourquoi, lorsque j’ai eu envie d’écrire pour la jeunesse, je me suis rappelé le jeune Wiggins grimpant quatre à quatre les dix-sept marches de l’escalier du 221b Baker Street pour se rendre au rapport. Ce gamin-là avait une silhouette de héros romanesque : né dans un des quartiers les plus pauvres de Londres, vivant de petits boulots, habillé à la diable, astucieux et intrépide… J’allais le placer sur le devant de la scène, tandis que Sherlock Holmes se tiendrait dans les coulisses. C’est ainsi qu’est né Wiggins et le perroquet muet. Cinq autres enquêtes ont suivi, et Wiggins espère bien en mener encore, si les assassins lui prêtent vie.
Une vie difficile…
Wiggins est né à Whitechapel, quartier situé à l’est de Londres, où la misère est effroyable. C’est aussi le quartier où, entre août et novembre 1888, Jack l’Eventreur a égorgé et éviscéré plusieurs femmes. Autant dire qu’un gamin de quinze ans qui veut rester en vie n’a pas intérêt à avoir les yeux dans sa poche.
Jusqu’en 1889, la mère de Wiggins vend du poisson au Billingsgate Market, et arrondit les fins de semaine en rempaillant des chaises dans la modeste chambre où elle vit avec Wiggins.
Après l’affaire du Perroquet muet, elle est embauchée comme aide-cuisinière chez les Brazenduke, et va donc habiter dans l’hôtel particulier du comte et de la comtesse. Ce changement fournit à Wiggins de nombreuses occasions d’observer de près les mœurs parfois fort étranges de la haute société.
Après le départ de sa mère, il vit seul, dans une petite rue donnant dans Commercial Road. Sa chambre est mal chauffée et il ne voit pas souvent un morceau de viande, mais l’amitié et l’aventure lui tiennent lieu de richesses.
… mais palpitante
Pour l’amitié, il y a la bande des Irréguliers de Baker Street, et en particulier Simpson (un peu susceptible mais bon copain) ; il y a aussi Ken, le voisin du dessus qui joue du violon aussi bien que le grand Holmes ; il y a les rencontres qu’on fait dans la rue : Allan, le pickpocket irlandais, et Louis, le vendeur d’oignons roses venu de Roscoff. Et bien sûr il y a Sherlock Holmes, le grand, l’unique, que Wiggins considère tantôt comme le père qu’il n’a pas eu, tantôt comme un vaniteux qui mérite d’être remis à sa place. Le docteur Watson est heureusement plus compréhensif, et il lui arrive parfois de comploter avec Wiggins contre son célèbre ami. Pour l’aventure, il y a les enquêtes dont Sherlock Holmes charge Wiggins, et celles qu’il mène en faisant cavalier seul, pour aider ceux qu’ils aime et qui sont en danger, ou simplement pour rendre au détective la monnaie de sa pièce.
Quelques repères
1874 : naissance de Wiggins
1877 : naissance de son petit frère…
1880 : …qui meurt des suites d’une grippe au début de l’hiver
1881 : disparition du père de Wiggins dans le naufrage du Francis Drake
Ses connaissances
Les talents de Wiggins, peut-être moins généralement connus que ceux de Sherlock Holmes, méritent d’être rappelés… ainsi que ses lacunes.
- Vendeur de journaux depuis son plus jeune âge, il a mis au point un procédé imparable pour liquider une pile en quelques minutes. Il suffit de crier des nouvelles fracassantes (et fausses) et de filer avant d’avoir été harponné par un policeman. Exemples : " Jack l’Eventreur a été arrêté, c’était une femme ! " ou encore : " Buckingham Palace ravagé par les flammes ! La reine Victoria avait oublié ses œufs au bacon sur le feu !"
- L’art de la filature n’a pas de secret pour lui. A l’instar de son maître, il lui arrive fréquemment d’avoir recours à des déguisements (gardien de musée, jeune gentleman…)
- La Tamise le fait rêver malgré les nombreux cadavres qu’elle charrie, ainsi que les grands voiliers qui évoquent les voyages lointains… mais il ne sait pas nager et est sujet au mal de mer.
- Il connaît Londres comme sa poche. Bandez-lui les yeux et promenez-le d’un quartier à l’autre de la capitale britannique, il saura toujours vous dire où il se trouve, car il connaît l’odeur de chaque pâté de maison. Il adore Londres et se sent perdu dès qu’il s’en éloigne. Depuis Les Plans de l’ingénieur, d’ailleurs, les voyages le font beaucoup moins fantasmer.
- Il n’a peur de rien (ou presque), exception faite des fantômes.
- Sa culture est assez limitée. Un exemple : il a longtemps cru que Napoléon était une grande marque de cognac.
Les Irréguliers de Baker Street
Les Irréguliers sont une bande de gamins de l’âge de Wiggins qui, comme lui, vivent d’aventure et de petits jobs : ils vendent des journaux, balaient le crottin de cheval dans les rues, cirent les chaussures des passants ou attrapent des rats pour les combats organisés dans certains pubs. De temps à autre, Sherlock Holmes fait appel à eux pour ratisser Londres à la recherche d’un objet volé ou d’un criminel en cavale. Wiggins est particulièrement copain avec l’un d’eux, Simpson. Mais leur amitié est parfois orageuse, car Simpson est susceptible et un peu jaloux de l’amitié qui unit Wiggins et le détective à la pipe… Pourtant, face à l’ennemi, les Irréguliers se serrent les coudes. L’ennemi peut être un simple cambrioleur, ou bien l’infâme Moriarty – surnommé par Sherlock Le Napoléon du crime –, ou encore les Liverpool Lads, une bande rivale qui ne déteste pas le coup de poing. So bad…
La ballade de Wiggins
(Atelier de l’exil)
Paroles : Françoise Bénéjam. Musique : Michel Beuret.
Copyright Atelier de l’Exil
Paroles : Françoise Bénéjam.
écouter la chanson
Dans le brouillard de Londres
Sur le pavé glissant
Le long de la Tamise,
À l’affût des brigands,
Qui court et se faufile dans l’ombre ?
Rapide comme le lévrier
Vif comme l’éclair
Wiggins le fin limier
Un môme des bas quartiers.
Fantôme dans le brouillard
Il piste les truands,
Comme une flèche il file
À l’autre bout de la ville
Il court et se faufile dans l’ombre,
Rapide comme le lévrier
Vif comme l’éclair
Wiggins le fin limier
Un môme des bas quartiers.
Il retrouve la trace
De l’homme à la jambe de bois
Mais hélas, le suspect
Vient d’être ratatiné.
Il court et se faufile dans l’ombre,
Rapide comme le lévrier
Vif comme l’éclair
Wiggins le fin limier
Un môme des bas quartiers.
Dans une obscure cave,
Il se trouve séquestré
D’un empailleur infâme
Il est le prisonnier.
Qui pleure et se blottit dans l’ombre ?
Enfermé comme le rat piégé
Dans une cave de Londres
Wiggins le fin limier
Un môme des bas quartiers.
Devant un pub crasseux
Deux cars conciliabulent
Wiggins fait le mendiant
Demande la charité.
Il court et se faufile dans l’ombre
Rapide comme le lévrier
Vif comme l’éclair
Wiggins le fin limier
Un môme des bas quartiers.
Il entend le message
Et grâce à son courage,
Les voleurs seront pris
Les méchants arrêtés.
Il court et se faufile dans l’ombre,
Rapide comme le lévrier
Vif comme l’éclair
Wiggins le fin limier
Un môme des bas quartiers.